Forum mondial pour l’éthique dans les affaires à Bruxelles
Source: Observateur Group
Date: 24.11.2010
Country, Language: Republic of the Congo, French

Culture d’entreprise : l’argent ne peut remplacer les valeurs

Changer l’activité économique à travers le monde par la promotion de bonnes pratiques. C’est le défi à relever à travers le monde au cours des années à venir. A la lumière de la crise financière, il est apparu l’effritement de l’éthique dans le monde des affaires. Pour beaucoup d’opérateurs économiques, l’argent a remplacé les valeurs. La recherche effrénée de l’argent à n’importe quel prix, même en versant des pots-de-vin, est devenu un objectif. Ainsi, avec des partenaires, l’lnstitut de la Banque mondiale entend promouvoir l’éthique dans les affaires. D’où son implication à côté du gouvernement belge dans l’organisation du 18 au 19 novembre à Bruxelles (Belgique) du Forum mondial pour l’éthique dans les affaires. « Le leadership dans le 21ème siècle, le temps de changement de paradigme», est le thème de la 7ème édition du Forum. Les gouvernements, les organisations internationales,le secteur privé, la société civile,…ont cogité sur cette problématique et la culture d’entreprise basée sur la responsabilité sociale de l’entreprise.

Dans une intervention, Sanjay Pradhan, vice président de l’Institut de la Banque mondiale a mis en exergue le fait que ce Forum vient en soutien à la promotion aux affaires menées de façon responsable à travers le monde. Il est question à terme d’avoir des codes éthiques dans les affaires et de partager des valeurs. Il faut réfléchir comment transformer les affaires dans l’optique du développement durable et de la responsabilité sociale de l’entreprise,…Il va s’agir d’un tournant sur le plan moral et intellectuel.

Entre autres, un intervenant, occidental de surcroît, a soutenu que 100% de guerres en Afrique sont financées par des entreprises multinationales. Et un autre va ajouter que ces guerres ont comme enjeu la maîtrise des ressources naturelles. Curieusement, les responsables de ces entreprises ne sont jamais poursuivis. Le moins que l’on puisse dire est que cela pose un problème moral et éthique.

Louis Michel : « L’économie libérale doit être encadrée »

Le changement de leadership dans les affaires espéré va passer, entre autres, par un réseau sur internet pour échanger les informations et les meilleures pratiques. Mais, aussi par l’engagement à promouvoir l’éthique dans le business, en maintenant la tolérance zéro pour la corruption. Au cours du Forum, l’on a soutenu l’introduction dans les écoles de management des cours d’éthique. Pour d’autres observateurs, pour avoir de bons résultats cette éducation à l’éthique doit commencer très tôt dans l’enfance, et non à 25 ou 30 ans quand le caractère de la personne est déjà formé. Plusieurs interventions ont proposé des pistes de solution pour une moralisation des pratiques dans les affaires.

Pour Louis Michel, ancien commissaire européen au développement, l’affaiblissement de l’éthique dans les affaires est une des conséquences du délitement du concept de la puissance publique impartial pour la protection de l’intérêt général du citoyen. Il faut revaloriser la notion de la puissance publique qui protège les faibles .D’autant plus que l’économie du marché n’est pas vertueuse. L’Etat devait assumer ses fonctions régaliennes. Et si l’entrepreneur prend des risques avec ses propres ressources financières, par contre le banquier souvent dans le champ de la spéculation, mise, lui, sur l’argent et le travail des autres. Sans une réglementation appropriée, le banquier prend des libertés avec l’argent des autres au point provoquer une crise majeure.

C’est une nuance importante pour Louis Michel qui a plaidé pour une planétarisation de la puissance publique. Cette planétarisation manque aujourd’hui ouvrant la voie à des dérives. Il y a une mondialisation de la finance, mais pas d’Etat monde susceptible de faire avancer la réglementation et de faire prévaloir l’intérêt général. Et l’absence d’Etat monde a comme conséquence : une maîtrise politique des institutions de Bretton Woods imparfaite. L’économie libérale peut être un modèle vertueux, mais à condition qu’elle soit encadrée.

Luis Moreno-Ocampo : « l’éthique n’est pas un luxe »

En ce qui le concerne Luis Moreno-Ocampo, procureur général de la Cour pénale internationale, s’est joint au débat. Il a expliqué le rôle de la CPI qui s’inscrit dans la ligne droite de la répression des crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le génocide. Parlant du procès de Nuremberg où des nazis ont été jugés après la 2ème guerre mondiale, Luis Moreno a souligné que l’Humanité a été affectée, car on s’est rendu compte que les coupables étaient des gens normaux. Mais ceux-ci ont commis des crimes abominables. Le défi consiste aujourd’hui à répondre à la question : comment créer des règles collectives pour se comporter comme des gens bien ? « Sans éthique, les personnes ne respectent pas les règles. L’éthique n’est pas un luxe, mais c’est la base de la vie collective…. Il faut aimer et respecter la différence », a souligné le procureur général de la CPI. En marge des travaux, rencontré dans les couloirs Luis Moreno Ocampo a apprécié la présence de la presse congolaise, à travers L’Observateur. Le moins que l’on puisse dire l’homme ne laisse pas indifférent.

Pour mémoire, ce Forum a permis de faire un bilan sur la place de l’éthique dans les affaires. Avant la crise financière et économique, plusieurs capitalistes soutenaient que le marché devait continuer à s’ouvrir, à prospérer et à se réguler lui-même. La course au profit à court terme a pris une importance accrue, au point de reléguer les préoccupations éthiques et les valeurs dans les affaires dans les oubliettes. Cette disparition des valeurs éthiques a précipité la crise et hypothéquer l’avenir de l’économie du monde. Paradoxalement, au plus fort moment de la crise, aux Etats-Unis plus de 60 milliards de dollars de bonus avaient été versés aux banquiers, en dehors de leurs salaires, des banquiers dont les spéculations exagérées ont été à l’origine de la crise des subprimes. Aucune sanction n’a été infligée aux coupables. Ainsi, il est apparu une volonté politique de changer le système et de promouvoir un système basé sur le Responsabilité sociale de l’entreprise. Avec à la clé une exigence majeure à savoir ; réconcilier l’éthique et le business. Un agenda des actions à mener a été adopté pour l’avenir.

Qu’est ce qui a été à la base d’une telle dérive dans les affaires? Au cours de ce Forum, des voix se sont élevées pour fustiger l’abdication de la société et des parents dans le domaine de l’éducation. Au fait, ceux-ci n’ont pas donné la place qui revient à la formation sur l’éthique en général. Le monde doit ainsi revenir au respect des valeurs comme : l’intégrité dans les affaires, la protection de l’environnement, le respect des droits de l’homme, le travail bien fait,…La participation de jeunes leaders provenant de pays divers, attachés à l’éthique et aux valeurs, a suscité des espoirs car la jeunesse présente s’est engagée à véhiculer l’éthique dans les affaires et à sensibiliser la société.

Le Forum mondial pour l’éthique dans les affaires est une association reconnue d’utilité publique basée en Belgique. Son mandat consiste, entre autres, à poursuivre et encourager l’établissement des valeurs et des fondements éthiques dans les affaires dans une économie mondialisée. Ce Forum se tient depuis 2006 au Parlement européen à Bruxelles. Il est dirigé actuellement par Dr Sanjay Pradhan. Le Forum a accru son audience hors du symposium pour le leadership responsable et l’éthique dans les affaires, symposium organisé annuellement par l’Association internationale pour les valeurs humaines et la joie de vivre. Parmi les partenaires stratégiques du Forum, il y a notamment l’Institut de la Banque mondiale.

Pour cette 7ème édition du Forum, deux responsables d’entreprises ont reçu un prix d’encouragement en matière d’éthique des mains de la lauréate 2009, Brigitte Mohn. Il s’agit de Miguel Veiga Pestana, vice président de la société Unilever et le journaliste Dele Olopede, PDG d’un média du Nigeria. Au fait, les médias ont un rôle important à jouer en matière de promotion de l’éthique dans les affaires.

Depuis Bruxelles,

Didier Munsala Buakasa

Source: http://www.lobservateur.cd/index.php?option=com_content&view=article&id=3602:forum-mondial-pour-lethique-dans-les-affaires-a-bruxelles&catid=45:economie&Itemid=65